Soumission de la SOCAN en matière d’IA au gouvernement du Canada

Note : Ceci est une traduction de la soumission originale en anglais de la SOCAN dans le cadre de la consultation. Une traduction officielle de ce mémoire pourrait être publiée par le gouvernement du Canada à une date ultérieure.

Question : preuves techniques

Le gouvernement du Canada sollicite des avis sur les aspects techniques des technologies de l’IA, notamment sur les questions suivantes :

  • Comment votre organisation accède-t-elle et collige-t-elle les contenus protégés par le droit d’auteur et comment les encode-t-elle dans des ensembles de données de formation?
  • Comment votre organisation utilise-t-elle des ensembles de données d’entraînement pour développer des systèmes d’IA?
  • Dans votre domaine de connaissances ou votre organisation, quelles mesures sont prises pour atténuer les risques de responsabilité concernant les contenus produits par l’IA portant atteinte à des œuvres existantes protégées par le droit d’auteur?
  • Dans votre domaine de connaissances ou votre organisation, quelle est l’implication des humains dans le développement des systèmes d’IA?
  • Comment les entreprises et les consommateurs utilisent-ils les systèmes d’IA et les contenus assistés et produits par l’IA dans votre domaine de connaissances, votre travail ou votre organisation?

Réponse :

  1. Introduction.

La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) est la plus importante organisation de gestion de droits musicaux au Canada. Elle compte plus de 185 000 membres auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ainsi que plusieurs dizaines de milliers d’entreprises licenciées partout au pays. La SOCAN octroie des licences pour le droit d’exécution et le droit de reproduction des œuvres musicales. La SOCAN perçoit et répartit les redevances à ses membres et agit comme trait d’union entre plus de 4 millions de créateurs et d’éditeurs dans le monde entier par l’intermédiaire des organisations internationales de gestion des droits avec lesquels elle a conclu des ententes de réciprocité. En 2023, la SOCAN a concédé plus de 170 milliards d’exécutions individuelles d’œuvres musicales à ses licenciés.

La SOCAN estime qu’avec des mesures de protection appropriées et un cadre de droit d’auteur adéquat, l’intelligence artificielle (IA) peut soutenir et renforcer la créativité humaine dans l’industrie de la musique. En effet, dans sa réponse à la Consultation sur un cadre de droit d’auteur moderne pour l’intelligence artificielle et l’Internet des objets en 2021, la SOCAN a noté que le plein potentiel de l’IA, ainsi que ses implications, commençait seulement à être découvert.

Depuis lors, cependant, des développements monumentaux ont eu lieu dans le domaine de l’IA, notamment le développement et l’adoption rapide de modèles d’IA générative. Si ces développements mettent en évidence les possibilités de l’IA générative, ils mettent également en évidence les risques qu’elle fait peser sur les créateurs de musique et les autres créateurs si rien n’est fait pour y remédier. Ces risques comprennent (i) l’utilisation par les sociétés d’IA de quantités massives de musique protégée par le droit d’auteur pour programmer leurs modèles, sans autorisation ni paiement aux ayants droit ; (ii) des œuvres produites par l’IA qui imitent ou reproduisent ces œuvres protégées par le droit d’auteur ou des parties substantielles de celles-ci, ce qui non seulement menace les moyens de subsistance des créateurs canadiens et leur capacité à poursuivre leur carrière dans la musique, mais risque également de détruire un marché naissant pour l’octroi de licences d’œuvres musicales aux sociétés d’IA avant qu’il n’ait une chance d’arriver à maturité ; et (iii) un manque total de transparence de la part des sociétés d’IA, qui rend extrêmement difficile, voire impossible, pour les ayants droit de savoir si les sociétés d’IA ont utilisé leur musique sans autorisation et, le cas échéant, de poursuivre des mesures d’exécution efficaces.

Avec une transparence appropriée, il sera possible et pratique d’octroyer des licences pour l’utilisation de la musique par les entreprises d’IA, tout comme la SOCAN et d’autres ayants droit l’ont fait et continuent de le faire pour d’autres technologies innovantes. Le marché des licences qui se développe actuellement doit être encouragé et promu. Il ne faut pas l’éliminer en sanctionnant l’utilisation non autorisée de musique à grande échelle ou en introduisant des exceptions au droit d’auteur qui accorderaient un traitement préférentiel aux activités d’extraction de texte et de données au détriment des créateurs.

La SOCAN est bien placée pour contribuer à l’élaboration d’un système de licence pour l’IA. Elle opère dans le domaine de l’exécution publique depuis près de 100 ans, accordant des licences générales pour pratiquement toutes les œuvres musicales en vue de leur utilisation dans diverses nouvelles technologies, notamment la diffusion en continu sur Internet. La création d’un système de licence pour couvrir les œuvres musicales susceptibles d’être utilisées par les développeurs d’IA, à des fins de programmation ou autres, relève bien de l’expertise de la SOCAN.

La SOCAN exhorte le gouvernement du Canada, lorsqu’il envisagera un cadre de politique de droit d’auteur pour l’IA générative, à s’assurer que les créateurs et le droit d’auteur sont respectés, et que l’expression humaine est encouragée. Le préambule de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur, SC 2012, c 20, souligne que la Loi sur le droit d’auteur soutient la créativité, la culture et l’innovation. Pour promouvoir ces valeurs, il est impératif que les créateurs puissent contrôler et être rémunérés pour l’utilisation – d’une grande valeur – de leur musique par les entreprises d’IA.

  1. Comment votre organisation accède-t-elle et collige-t-elle les contenus protégés par le droit d’auteur et comment les encode-t-elle dans des ensembles de données de formation?

Sur la base de rapports publics, la SOCAN comprend que plusieurs grands modèles d’IA générative ont été programmés à partir d’un grand nombre d’œuvres protégées par le droit d’auteur obtenues soit à partir d’activités d’extraction de textes et de données (FTD) à grande échelle, soit à partir d’ensembles de données contenant des œuvres non licenciées.

Par exemple, d’après le rapport d’Éditeurs de musique au Canada (MPC), le modèle T5 de Google et le modèle LLaMA de Meta ont été développés à l’aide d’un ensemble de données contenant du contenu protégé qui a été récupéré sur Internet, notamment sur scribd.com, une bibliothèque numérique accessible uniquement par abonnement, et sur un autre site Web notoirement connu pour le piratage de livres électroniques [https://www.washingtonpost.com/technology/interactive/2023/ai-chatbot-learning/]. OpenAI, la société à l’origine du principal modèle d’IA générative soutenant ChatGPT, a reconnu l’utilisation de « grands ensembles de données accessibles au public qui comprennent des œuvres protégées par le droit d’auteur. » [https://www.uspto.gov/sites/default/files/documents/OpenAI_RFC-84-FR-58141.pdf].

Cela dit, la SOCAN est également au courant de rapports provenant de la soumission à MPC de modèles d’IA générative qui ont été programmés à l’aide de contenus sous licence. Par exemple, Meta a annoncé que son outil de génération de musique par l’IA, MusicGen, a été développé sur « 20 000 heures de musique, dont 10 000 pistes musicales sous licence de “haute qualité” » et des pistes instrumentales provenant de médiathèques [https://techcrunch.com/2023/06/12/meta-open-sources-an-ai-powered-music-generator].

Bien que les utilisations sous licence semblent, à ce jour, avoir utilisé une plus petite échelle de données que les grands modèles de langage, elles démontrent néanmoins qu’il existe actuellement un marché pour l’octroi de licences de musique aux entreprises d’IA, et que ce marché est faisable et pratique. La SOCAN est en excellente position pour favoriser le développement de ce marché.

  1. Quelles mesures sont prises pour atténuer les risques de violation de droit d’auteur d’œuvres existantes par des œuvres produites par l’IA?

La SOCAN n’a actuellement connaissance d’aucune mesure prise, que ce soit par les développeurs d’IA ou les fournisseurs de données, pour atténuer le risque de responsabilité en cas de violation d’œuvres protégées existantes. En tout état de cause, la SOCAN estime qu’il serait erroné de se concentrer sur les façons d’« atténuer » la responsabilité. Mettre l’accent sur l’atténuation tend à encadrer l’enjeu d’une manière qui ne respecte pas les créateurs et accepte tacitement le non-respect par les entreprises d’IA des lois et politiques établies en matière de droit d’auteur. L’accent devrait être mis sur la promotion du développement d’un marché des licences et sur l’encouragement des développeurs d’IA à obtenir une autorisation avant d’utiliser les œuvres des créateurs pour programmer leurs modèles d’IA ou à d’autres fins. Si cette autorisation n’est pas obtenue, les développeurs d’IA devraient alors faire l’objet de réclamations pour violation du droit d’auteur, comme tout autre utilisateur.

Question : Extraction de textes et de données

Le gouvernement du Canada sollicite des avis sur la nécessité de clarifier la manière dont le cadre du droit d’auteur s’applique aux activités d’extraction de textes et de données (FTD), notamment sur la manière et le moment où les ayants droit pourraient ou devraient être indemnisés pour l’utilisation de contenus protégés par le droit d’auteur en tant qu’intrants dans le développement de l’IA. Bien que tous les commentaires soient les bienvenus, le gouvernement est particulièrement intéressé par les réponses aux questions suivantes :

  • Que signifierait une plus grande clarté de la FTD dans le droit d’auteur au Canada pour l’industrie de l’IA et les industries créatives?
  • Des activités de FTD sont-elles menées au Canada? Pourquoi ou pourquoi pas?
  • Les titulaires de droits font-ils face à des défis en ce qui concerne l’octroi de licences de leurs œuvres pour les activités de FTD? Le cas échéant, quelles sont la nature et la portée de ces défis?
  • Quels types de licences de droit d’auteur pour les activités de FTD sont proposés, et comment ces licences répondent-elles aux besoins des personnes qui mènent des activités de FTD?
  • Si le gouvernement devait clarifier la portée des activités permises de FTD, quelle devraient en être la portée et les mesures de sauvegarde? Quel serait l’impact d’une telle exception sur votre industrie et vos activités?
  • Les développeurs de systèmes d’IA devraient-ils être tenus de tenir des registres ou de divulguer les contenus protégés par le droit d’auteur qui ont été utilisés pour la formation des systèmes d’IA?
  • Quel niveau de rémunération serait approprié pour l’utilisation d’une œuvre dans les activités de FTD?
  • Existe-t-il des approches en matière de FTD dans d’autres pays qui pourraient éclairer l’examen de cette question au Canada?

Réponse :

  1. L’octroi de licences est possible, pratique et nécessaire pour respecter les principes du droit d’auteur.

En tant que plus grand et plus actif concédant de licences d’œuvres musicales au Canada, la SOCAN croit fermement que l’octroi de licences d’œuvres musicales aux entreprises d’IA pour la FTD ou à d’autres fins n’est pas seulement réalisable et pratique, mais qu’il s’agit de la meilleure façon – et la plus appropriée – de s’appuyer sur l’objectif fondamental du droit d’auteur.

La SOCAN est également convaincue que le marché des licences, qui est déjà en train de se développer, prospérera au Canada si on lui en donne l’occasion. La SOCAN exhorte au gouvernement de ne pas promulguer de nouvelles exceptions ou de modifier les exceptions existantes pour la FTD, car cela détruirait ce marché et empêcherait les créateurs d’être indemnisés pour les utilisations précieuses de leurs œuvres.

De nombreux auteurs-compositeurs membres de la SOCAN dépendent entièrement du droit d’auteur et de leur capacité à contrôler et à être rémunérés pour l’utilisation de leurs œuvres. Étant donné que de bon nombre de ces membres ne sont pas également des artistes interprètes, ils n’ont pas la possibilité de générer des revenus à partir de tournées, de commandites, de produits dérivés ou d’autres sources de revenus de ce type.

Les développeurs d’IA bénéficient de l’utilisation d’œuvres protégées de haute qualité, y compris d’œuvres musicales, pour la programmation de leurs modèles d’IA.

Rien ne justifie qu’un développeur d’IA récolte tous les bénéfices du travail d’un créateur sans son autorisation et sans lui fournir la moindre rémunération. Cela serait contraire aux objectifs de la Loi sur le droit d’auteur, qui comprend la garantie d’une compensation équitable pour le créateur et « l’assurance que personne d’autre que le créateur ne pourra s’approprier les bénéfices qui pourraient être produits ». [Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc., 2002 CSC 34, parag. 30 <https://canlii.ca/t/51tn#par30>]. Ces objectifs sont particulièrement importants en raison des risques uniques que les modèles d’IA générative font peser sur les créateurs humains. Après avoir utilisé des quantités massives d’œuvres de créateurs, les modèles d’IA générative peuvent générer des résultats qui rivaliseront avec les œuvres de ces mêmes créateurs. Cela crée un risque sérieux que les auteurs-compositeurs et les créateurs humains soient délogés et forcés de poursuivre d’autres carrières, conduisant inévitablement à une érosion de la culture canadienne et des industries qui la soutiennent.

Un modèle de licence pour l’IA assurera que les auteurs-compositeurs et leurs éditeurs de musique sont en mesure de contrôler et d’être payés pour l’utilisation de leurs œuvres par les entreprises d’IA, conformément à la loi et à la politique canadiennes en matière de droit d’auteur. La SOCAN croit fermement qu’un tel modèle de licence est réalisable et pratique, quel que soit le nombre d’œuvres ou la nature de la technologie concernée. Sans relâche, la SOCAN a adapté ses processus d’octroi de licences pour répondre aux évolutions technologiques majeures et aux perturbations du marché au fil des ans, y compris le passage à la diffusion en continu et à la consommation musicale numérique. Il n’y a aucune raison de traiter différemment l’émergence de la technologie de l’IA générative.

La SOCAN possède l’expérience et les outils nécessaires pour concéder des licences et administrer de vastes catalogues d’œuvres à des fins diverses, y compris des utilisations liées à l’IA. Comme nous l’avons déjà indiqué, la SOCAN relie des milliards d’exécutions au Canada à des millions d’ayants droit dans le monde entier. La SOCAN octroie des licences à des dizaines de milliers d’utilisateurs dans un large éventail d’industries et d’activités. Cela inclut notamment l’octroi de licences générales pour des millions d’œuvres musicales en vue de leur utilisation dans les nouvelles technologies, telles que la diffusion en continu de musique en ligne. En 2023 seulement, la SOCAN a concédé plus de 170 milliards d’exécutions individuelles d’œuvres musicales à ses licenciés. Il n’y a rien d’unique dans l’IA générative qui devrait empêcher la SOCAN d’élaborer et de proposer un régime de licence approprié pour la FTD et d’autres activités liées à l’IA.

  1. Il ne devrait pas y avoir d’exception pour les activités de FTD.

La SOCAN demande instamment au gouvernement du Canada de ne pas promulguer de nouvelles exceptions au droit d’auteur ou de modifier les exceptions existantes pour les activités de FTD. Une exception anéantirait le marché des licences en développement avant qu’il n’ait eu la chance de mûrir et de s’épanouir. Elle priverait également les créateurs de la possibilité de contrôler et d’être rémunérés pour les utilisations précieuses de leurs œuvres par les entreprises d’IA. Même si d’autres juridictions choisissent de restreindre ou de limiter la portée de la protection du droit d’auteur en ce qui concerne les activités de la FTD, le Canada doit résister à la tentation de faire de même.

De même, la SOCAN exhorte le gouvernement à rejeter toute proposition qui permettrait à un développeur d’IA d’utiliser les œuvres d’un créateur pour des activités de FTD sauf si le créateur a choisi l’« opt-out ». La législation canadienne sur le droit d’auteur est par nature un régime « opt-in » : elle exige des utilisateurs qu’ils demandent l’autorisation des créateurs avant d’utiliser des œuvres protégées par le droit d’auteur. Exiger des créateurs et de leurs représentants qu’ils prennent des mesures actives pour positives pour refuser (« opt-out ») les activités de FTD de tous les utilisateurs d’IA, en relation avec chaque page Web ou plateforme sur laquelle leurs œuvres sont disponibles, et qu’ils surveillent toutes les plateformes d’IA pour s’assurer de leur conformité serait une tâche onéreuse et injuste à imposer aux créateurs. Cela pourrait également aller à l’encontre des traités internationaux dont le Canada est signataire, notamment la Convention de Berne. Le préjudice est exacerbé par le fait qu’une fois qu’un modèle d’IA a « appris » des œuvres d’un créateur qui ne savait pas qu’il pouvait « opt-out » ou qui n’était pas en mesure de le faire, cet apprentissage est extrêmement difficile, voire impossible, à « effacer ».

Le fait que certaines entreprises d’IA moissonnent sans discernement de vastes quantités d’œuvres protégées par le droit d’auteur sur Internet, sans autorisation ni transparence, n’est pas une raison pour les récompenser par un traitement préférentiel, que ce soit en promulguant des exceptions pour la FTD ou en adoptant une approche d’« opt-out ». Au contraire, une robuste protection du droit d’auteur est nécessaire pour assurer que les utilisateurs qui exercent un pouvoir technologique aussi important le fassent d’une manière responsable et éthique qui respecte les créateurs dont ils dépendent des œuvres.

  1. La rémunération est mieux déterminée dans le cadre d’un marché de licences volontaires

Le niveau de rémunération approprié pour les créateurs dont les œuvres sont utilisées pour programmer des modèles d’IA, ou à d’autres fins liées à l’IA, est mieux déterminé sur le marché en développement des licences à cette fin. Un système de licences volontaires sur le marché libre est le moyen le plus probable de permettre aux créateurs de contrôler l’utilisation de leurs œuvres tout en exigeant des parties intéressées qu’elles se mettent d’accord sur les modalités, y compris le prix, de cette utilisation.

Par conséquent, la SOCAN exhorte le gouvernement à éviter toute approche qui limiterait le droit d’un créateur à contrôler l’utilisation de ses œuvres par les entreprises d’IA. Le gouvernement devrait notamment éviter toute forme de système de licence obligatoire, ce qui priverait les créateurs de leur droit de contracter librement sur le marché et, ce faisant, de décider si, comment et par qui leurs œuvres sont utilisées. Une licence obligatoire empêcherait les créateurs d’obtenir une juste valeur pour l’usage de leurs œuvres par les entreprises d’IA. Elle soulèverait également des préoccupations au regard des obligations conventionnelles internationales du Canada, qui exigent que les principaux droits de reproduction et d’exécution pour les œuvres soient de véritables droits exclusifs, et non de simples droits à rémunération. Un système de licences volontaires sur le marché libre doit être protégé pour assurer que les créateurs et les entreprises d’IA puissent négocier des modalités équitables pour l’usage d’œuvres protégées par le droit d’auteur.

  1. La transparence est primordiale.

Les parties prenantes conviennent généralement que la transparence, la tenue de registres et les obligations de divulgation sont importantes pour assurer que les créateurs comprennent comment et quand leurs œuvres sont utilisées par les développeurs d’IA et si cette utilisation a fait l’objet d’une licence ou non. Ces exigences contribueront à favoriser le marché des licences en développement en incitant les développeurs d’IA à obtenir une autorisation avant d’utiliser des œuvres protégées par le droit d’auteur à des fins de programmation ou autres. Elles sont également nécessaires pour résoudre le problème de la « boîte noire » de l’IA, qui rend extrêmement difficile, voire impossible, pour les créateurs de savoir quand leurs œuvres ont été utilisées par des modèles d’IA ou d’exercer des recours juridiques sans une divulgation appropriée de la part des développeurs d’IA.

Pour une discussion plus approfondie sur les obligations en matière de tenue de registres et de divulgation, veuillez vous référer à notre réponse à la question de la consultation sur la violation et la responsabilité.

Question : Titularité et propriété des œuvres produites par l’IA

Le gouvernement du Canada sollicite des avis sur la manière dont le cadre du droit d’auteur devrait s’appliquer aux contenus assistés et produits par l’IA. Bien que tous les commentaires soient les bienvenus, le gouvernement est particulièrement intéressé par les réponses aux questions suivantes :

  • L’incertitude entourant la titularité ou la propriété d’œuvres et d’autres objets du droit d’auteur produits par l’IA ou à l’aide de l’IA a-t-elle une incidence sur le développement et l’adoption de technologies d’IA? Si oui, comment?
  • Le gouvernement devrait-il proposer toute clarification ou modification du régime de titularité et de propriété pour tenir compte des œuvres produites par l’IA ou à l’aide de l’IA? Si oui, comment?
  • Existe-t-il des approches dans d’autres pays qui pourraient éclairer l’examen de cette question au Canada?

Réponse :

À l’heure actuelle, il n’est pas nécessaire de modifier la Loi sur le droit d’auteur pour aborder la question de la titularité ou de la propriété du droit d’auteur des contenus produits par l’IA ou assistés par l’IA. La Loi sur le droit d’auteur est fondée sur une philosophie visant à fournir des mesures incitatives à la créativité humaine, et la SOCAN considère que la loi – y compris le fait de lier la durée générale de la propriété du droit d’auteur à la vie d’un auteur humain – indique clairement que l’auteur d’une œuvre doit être un être humain [Loi sur le droit d’auteur, LRC (1985), ch. C-42, art. 6].

La titularité et la propriété des œuvres qui sont créées avec l’aide d’outils d’IA peuvent être déterminées en fonction des faits spécifiques de chaque cas. Dans sa forme actuelle, la Loi sur le droit d’auteur est suffisante pour permettre aux tribunaux de développer la loi en procédant à ces déterminations. Il serait prudent pour le gouvernement d’éviter toute modification à la Loi tant qu’il n’aura pas déterminé que des décisions judiciaires, au Canada ou à l’étranger, révèlent des lacunes dans la Loi qui doivent être comblées.

Les opérations de la SOCAN – et, en fait, l’industrie de la musique en général – reposent sur l’idée que les créateurs de musique sont des individus, en vertu du principe de longue date selon lequel les auteurs doivent être des êtres humains. Si ce principe de longue date est modifié, cela pourrait avoir des conséquences imprévues sur l’ensemble de l’industrie de la musique, puisqu’elle repose sur l’expression humaine.

Question : Violation et responsabilité en matière d’IA

Le gouvernement du Canada souhaite recueillir des avis sur les questions relatives à la violation des droits d’auteur et à la responsabilité soulevées par l’IA, d’autant plus que l’on ne dispose pas actuellement d’éléments probants à cet égard. Bien que tous les commentaires soient les bienvenus, le gouvernement est particulièrement intéressé par les réponses aux questions suivantes :

  • Y a-t-il des préoccupations quant à l’application des critères juridiques existants pour démontrer qu’une œuvre produite par l’IA viole un droit d’auteur (p. ex. des contenus produits par l’IA qui incluent la reproduction complète ou une partie substantielle d’une œuvre utilisée aux fins d’activités de FTD menées sous licence ou d’une autre façon)?
  • Quels sont les obstacles lorsqu’il s’agit de déterminer si un système d’IA a accédé à un contenu précis qui est protégé par le droit d’auteur ou a copié ce contenu afin de générer l’extrant qui porte atteinte à ce droit?
  • Lorsqu’elles commercialisent des applications d’IA, quelles mesures les entreprises prennent-elles pour atténuer les risques de violation de droit d’auteur par des œuvres produites par l’IA?
  • Devrait-on clarifier davantage la responsabilité dans les cas où une œuvre produite par l’IA viole les droits d’une œuvre déjà protégée par le droit d’auteur?
  • Existe-t-il des approches dans d’autres pays qui pourraient éclairer l’examen de cette question au Canada?

Réponse :

Un problème crucial dans le domaine de l’IA est celui de la « boîte noire », c’est-à-dire qu’il n’y a pas de visibilité sur les œuvres utilisées pour programmer un modèle d’IA ou sur la manière dont ces œuvres, une fois copiées, affectent la programmation du modèle.

En raison des problèmes de transparence, les créateurs n’ont généralement aucun moyen de savoir ou de détecter si leurs œuvres ont été utilisées pour développer un modèle d’IA. Même si un créateur soupçonne que son œuvre a été utilisée à des fins de programmation, il serait extrêmement difficile, voire impossible, de confirmer cette utilisation. Lorsque des infractions à grande échelle sont commises à l’insu des créateurs, les développeurs d’IA bénéficient d’une manne importante au détriment des créateurs.

Le problème de la boîte noire rend également difficile, voire impossible, de prouver qu’une œuvre produite par l’IA porte atteinte au droit d’auteur sur l’œuvre existante d’un créateur. Même si les deux œuvres sont substantiellement semblables, un manque de transparence et de tenue de registres de la part d’une entreprise d’IA contrecarrera les efforts visant à prouver que le modèle d’IA a utilisé, et donc a eu « accès » à l’œuvre du créateur, ce qui est un élément nécessaire du test de violation du droit d’auteur.

En bref, sans une transparence, une divulgation et une tenue de registres appropriées, il serait difficile, voire impossible, pour un créateur de savoir que ses droits ont été violés, et encore moins de poursuivre et d’obtenir une quelconque réparation pour cette violation.

La SOCAN exhorte donc au gouvernement d’exiger des développeurs d’IA, et de toute personne impliquée dans la programmation et l’essai d’un modèle d’IA, qu’ils conservent et rendent facilement accessibles des registres détaillés et précis des œuvres qu’ils ont utilisées pour ce développement et de la manière dont ils les ont utilisées, y compris la source des œuvres et les détails de toute licence autorisant l’utilisation des œuvres, ainsi que la manière dont ces œuvres sont conservées, entretenues ou stockées par les développeurs d’IA. Les développeurs d’IA sont les mieux placés pour assurer le repérage de ces informations.

La SOCAN estime qu’avec de solides obligations de transparence, de tenue de registres et de divulgation, associées à des principes établis en matière de droit d’auteur, la Loi sur le droit d’auteur actuelle sera suffisante pour traiter les questions de responsabilité propres à la technologie de l’IA.

Question : Y a-t-il d’autres considérations ou éléments que vous souhaitez partager sur la politique du droit d’auteur liée à l’IA?

Réponse :

La SOCAN encourage le gouvernement à se concentrer sur le point de vue des créateurs lorsqu’il envisage l’IA. Plus précisément, les développeurs d’IA doivent demander le consentement des créateurs avant d’utiliser leurs œuvres, rémunérer les créateurs pour cette utilisation et créditer les créateurs en tant que coauteurs des œuvres produites par l’IA, le cas échéant. Toute politique du droit d’auteur qui sacrifie les intérêts des créateurs au profit du progrès technologique érode le concept même du droit d’auteur, et les infractions à grande échelle commises par les entreprises d’IA menacent d’éliminer complètement les principes de longue date du droit d’auteur si l’on néglige le point de vue des créateurs. Ensemble, un système de licences volontaires sur le marché libre et de solides obligations de transparence assureront que le Canada porte une politique de droit d’auteur appropriée, avec les intérêts de toutes les parties adéquatement représentés, à l’ère de l’IA générative.